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Ma conversion dans le ciel de MIRANDE

Mon ami Bernard m'avait dit "c'est beau, c'est rigolo" ; moi, quand on me dit que c'est beau et que c'est rigolo, faut que j'aille voir !

On a donc pris rendez-vous ; et j'ai emmené Xavier ; c'était hier, dans le Gers, dans le petit village de Mirande! On est partis fin d'après-midi, sous le soleil ; et on a déposé nos bagages dans une chambre d'hôtes, à quelques kilomètres de là ; on était attendus à 20 heures pour un repas champêtre avec nos copains et les organisateurs ;  organisateurs de quoi tu vas me dire ? …De vols en montgolfières... On est arrivés pile poil : une douzaine de touches de couleur dans le crépuscule.

Normalement je t'aurais qualifié ce tableau de magnifique, coloré, pictural, magique ... mais pas du tout : Je le trouvais oppressant, terrifiant, stressant ! Je devais monter là-dedans à l'aube le lendemain et je trouvais  les montgolfières trop minuscules et trop hautes dans l'immensité du ciel, trop impressionnantes pour que j'y grimpe dès poltron minet !!!!!! A cette minute-là, j'ai perdu tout enjouement : moi, là-dedans, dans une nacelle en osier, tirée par un morceau de voile alimentée par des flammes ????? Qu'est-ce qui m'avait pris de m'engager là-dedans ? Je ne supporte pas de monter dans la grande roue de la foire de Liège et j'allais m'envoler mille fois plus haut dans un récipient en osier ????? Ils sont trop hauts, hein, Xavier, dis-moi qu'ils sont trop hauts... J'ai fixé mon regard sur ces œufs volants et va savoir pourquoi, mon ventre s'est noué ... Il paraît qu'on a mangé des spareribs, il paraît qu'on a écouté  Rock Voisine  qui chantait de la country music, il paraît que les Mirandais dansaient ....

Moi, je n'ai vu que des montgolfières frôler les étoiles. Le repas s'est éternisé ;  je comptais les heures qu'il restait à dormir... demain, je n'allais plus vomir de peur, j'allais vomir de fatigue ! On a rejoint notre chambre d'hôtes à 1h du matin… Et je n'ai pas fermé l'œil de la nuit : Ann pourquoi tu monterais là-dedans? T'as les jetons? Eh bien oui, dis-le que t'as les jetons ... n'y va pas ...c'est beau une montgolfière vue du sol … Qu'est-ce que tu as besoin d'aller te faire peur là-haut? T'as voulu faire de l'hélicoptère : très bien, tu as adoré ... T'as voulu tenter l'avion biplace : très bien tu as adoré ... mais la montgolfière, c'est un atome dans le ciel qui n'a même pas de moteur pour résister aux vents ; tu ne vas quand même pas passer une heure au fond de ton panier en osier à pleurer avec 7 autres allumés ... refuse Ann, refuse je te dis ; tu as déjà décliné fermement la plongée dans les fonds sous-marins, tu peux fermement décliner la plongée dans l'espace aérien ; et puis non, ce n'est pas que tu peux décliner mais tu VAS le faire ; j'ai refusé à 2h, j'ai refusé à 3h, j'ai refusé à 4h,  j'ai refusé à 5h, j'ai refusé à 5h et quart, j'ai refusé à 5h et demie et à 6h moins le quart quand le réveil a sonné, je me suis levée sans réfléchir . Mes boyaux étaient toujours aussi noués : impossible d'avaler les croissants chauds et la marmelade aux oranges ...

 Je me suis dit : Ann, tu vas aller voir cette nacelle de tout près et tu vas leur dire que tu ne monteras pas là-dedans ! A 7 heures, on a rejoint le champ de décollage : les douze montgolfières se déployaient doucement ; l'organisateur nous a dirigés vers ma boîte sans couvercle : un panier ridicule, de 1m50 sur 1m ... Comment on entre à 7 là-dedans ? On a choisi pour vous une petite nacelle, vous serez deux plus le propriétaire ... DEUX ? Xavier et moi ? Mais c'est riquiqui ce machin, on a la moitié du corps dehors !!! On n'est pas attaché ? Il n'y a pas de sangle comme sous un parachute ?  Il n'y a pas une barre qui se lève comme dans les paniers au-dessus des pistes de ski ? Il n'y a pas de gilet de sauvetage comme dans les bateaux ? Et en plus il n'y a pas la place pour s'asseoir et  sangloter !!! Jamais je ne monte là-dedans moi ! C'est un sport de fous !

Le propriétaire, René, impassible, a préparé le matériel avec sa femme et m'a poliment écoutée ... Vous gérez le stress des participants ? Si j'ai peur, je peux descendre ? Parce que là, j'ai peur hein ! Il me laissait soliloquer, le propriétaire : il accrochait ses mousquetons et ses cordes et me regardait palper l'épaisseur du tressage de l’osier et  la rigidité des câbles.

 Allez ! On y va ... Ann, vous posez le pied dans le marchepied, là ... en plus il y avait un trou dans ce bazar ; le vent allait s'y engouffrer là-haut, c'est sûr ... Je pose le pied ? Je le pose pas ? Je leur dis que j'y vais pas? T'auras pas cinquante occasions de voir la terre de cette façon, Ann  ; t' as aimé l'avion ? T'as aimé l'hélico ? Pourquoi t'aimerais pas la montgolfière? Tu te rappelles quand enfant, ton grand-père t'emmenait dans le premier cinéma qui diffusait des courts-métrages sur écran à 180 degrés? T'avais pas aimé te retrouver dans une montgolfière planant au-dessus du clocher de l'église et de la cime des arbres ?

 J'ai fait ni une ni deux, j'ai grimpé dans la montgolfière. Elle a monté, monté, monté. Tout doucement, comme sur le tapis d'Aladin. On a dominé Mirande, juste au-dessus, pour voir les vieilles dames avec leur cabas, le facteur sur son vélo, les clients sur la terrasse du bistrot. C'était magique... une impression de douceur, de tranquillité, de sérénité ...

 Un vol, c'est une histoire entre la montgolfière, vous et moi a dit René ; nous pouvons rester pendant une heure et demie à cette hauteur et observer la terre ; mais nous pouvons aussi monter plus haut ; nous ne prendrons pas le même chemin,  ce ne sera pas la même histoire ; cela m'allait très bien moi cette histoire-là à cette hauteur-là ; je pouvais presque mettre pied à terre...  On est à 300 mètres a observé notre spécialiste ; 300 mètres? Mais c'est bas 300 mètres ... tout semblait net, détaillé... combien de temps sommes-nous restés à observer les meules de foin, les troupeaux de bêtes, les plans d'eau ça et là ? Je ne saurais le dire mais je voulais désormais goûter à toutes les sensations : on monte

On est montés ... encore et encore... doucement, sans heurts :  les champs étaient des carrés de tissus dorés et verts, les villages des disques argentés, les Pyrénées des tentes aux cols blancs.... j'étais seule au monde, fascinée, émerveillée ... je retrouvais ce bonheur partagé avec mon grand-père plus de trente ans auparavant... je planais comme une gamine... ...le soleil levant diffusait une lumière féérique... On a alterné conversations et silences ... et on a observé la terre à plus de 1400 mètres d'altitude... Si le monde tournait fou tout en bas, c'était sans moi... je ne voulais plus descendre ... j'étais bien sur mon tapis volant ... je voulais admirer le Périgord, les polders, les fjords, l'Arctique ; je dominais la terre, accoudée à la nacelle... magique, tout simplement. Il a bien fallu redescendre ... on a frôlé un très beau château en haut d'une colline et on a atterri dans le champ d'à côté, tout en douceur...

Le propriétaire du château de Puylebon nous a rejoints ; on a terminé notre conte de fée dans la cuisine du château, autour d'une longue table en bois à siroter un café avec les châtelains ;

"Ils ne savent plus quoi inventer" a marmonné la maman de Xavier ; plus besoin d'inventer, moi c'est de la montgolfière que je veux refaire : René, vous êtes où pour m'emmener à nouveau là-haut?

Merci, infiniment merci

Ann Nguyen-Merkelbag, 11 juillet 2009